En créant cet espace documentaire ouvert à tous, Albères Verrières souhaite contribuer à la diffusion d'un savoir pertinent sur l'histoire territoriale du verre. Tous les textes, toutes les illustrations et références proposés à la consultation et au partage dans cet espace sont protégés par le code de la propriété intellectuelle et notamment par la législation et la réglementation du droit d'auteur.
ETUDES ET COMPTES RENDUS
(Cliquer sur le titre de l'article pour lire l'intégralité du texte).
L’iconographie du Salvator mundi, diffusée par les peintres flamands et italiens à partir du XIII° siècle jusqu’au XVII°, présente un accessoire singulier dans la figuration du Christ, celui du globe de l’univers, dit aussi orbe, sous deux formes différentes ; surmonté d’une croix, le globe, provenant de l’iconographie impériale, symbolise l’autorité de Dieu sur le monde qu’il a créé ; l’autre forme, plus nombreuse, consiste en un simple globe de matière vitreuse soufflée, transparent ou translucide. C’est cette formule que l’on remarque dans le fameux tableau attribué à Léonard de Vinci (vers 1500) ou chez les flamands à la fin du XV°siècle ; même dans des compositions renouvelées chez Le Gréco (1605) ou Ribera (1608) le globe transparent demeure bien visible.
L’éclat et la pureté de la matière du globe évoquent le cristal, mais ce dernier ne sera fabriqué que bien plus tard, à la fin du XVII° siècle. Au Moyen Age et à la Renaissance, il s’agit d’un verre qui, grâce à un apport de plomb, quoique limité à 11 % seulement à la différence du futur cristal à 33 %, présente des qualités supérieures à celle du verre ordinairement soufflé et qui conviennent bien pour représenter un ouvrage divin ; il est appelé verre semi-cristallin (d’après F. Brilliard).
Dans l’iconographie du Salvator mundi, le Christ fait deux gestes : d’abord, celui de la main droite levée pour bénir et aussi pour enseigner selon la tradition antique (1) ; puis, celui de la main gauche soutenant le globe transparent, véritable prise en charge par le Christ de l’univers créé (2). Un tel geste de sollicitude, voire d’amour, envers le monde complète et prolonge la qualité de l’immanence procédant de l’acte divin de création. Quant à la transparence, elle affecte le globe en verre en tant que qualité intrinsèque révélée par la lumière qui le traverse sans le briser et peut se lire comme une métaphore de la transcendance du verbe, sauveur du monde.
Dans le cadre d’une dévotion plus rapprochée de l’image, l’iconographie du Salvator mundi se présente comme plus humaine et plus sensible, adossée cependant à un arrière plan théologique solide grâce au traitement du globe en verre figurant le monde.
(1) Benedictio latina ; geste du rhéteur enseignant.
(2) Il pourrait y avoir une allusion à la spiritualité augustinienne ; cf. les travaux de F. Boespflug.
Roger Barrié, 28février 2025
Jordi MACH : Propositions et outils de recherche
En Roussillon, l’installation durable de verriers à proximité immédiate des murs du bourg de Palau, à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, apparaît suffisamment marquante pour transformer, quelques décennies plus tard, le nom de ce village en « Palau-du-Verre » (Palau-del-Vidre). La réussite de ce bourg verrier illustre, en filigrane, l’organisation socio-économique des ateliers, centrée autour des figures du maître-verrier, du propriétaire du four et du tender de vidre (revendeur de verre), déclinaison d’acteurs permettant de questionner les savoir-faire, les capitaux et le marché du verre.
En parallèle, la culture matérielle, au carrefour des archives, du mobilier archéologique et de l’iconographie, permet de questionner les modalités de consommation du verre. L’étude de la typologie de la vaisselle de verre utilisée pour déguster le vin fait apparaître, au sein de manières de table communes aux élites médiévales, des spécificités régionales. À la frontière des couronnes d’Aragon et de France, le Roussillon se place ainsi comme un observatoire idéal pour caractériser ces pratiques culturelles et leurs territoires d’influences respectifs.
Bibliographie
ALART (B.) – « L’ancienne industrie de la verrerie en Roussillon, » In : Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, 1873, p. 307-322.
CAMIADE (M.), FONTAINE (D.) – Verreries et verriers catalans, l’Albera, Palau-del-Vidre, Perpignan, Perpignan, Sources, 2006, 182 p.
FONTAINE (D.) – « Les tenders de Perpignan et les verriers de l’Albera (XVIe-XVIIe siècles) », In : CAMIADE (M.) (dir.), L’Albera. Terre de passage, de mémoires et d’identités,Actes du colloque de Banyuls-sur-Mer, mai 2005, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 2006, p. 109-140.
FONTAINE (D.), MACH (J.) – « Conditions de création et organisation des ateliers de verriers en Roussillon (1350-1650) », In : PACTAT (I.), MUNIER (C.) (dir.), Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale, Actes du VIIIe colloque international de l’Association Française pour l’Archéologie du Verre, Besançon, 5-7 décembre 2016, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2020, p. 173-188.
FOY (D.) – Le verre médiéval et son artisanat en France méditerranéenne, Paris, CNRS éd., 1988, 468 p.
FOY (D.) – « Technologie, géographie, économie. Les ateliers de verriers primaires et secondaires en Occident. Esquisse d’une évolution de l’Antiquité au Moyen Âge », In : NENNA (M.-D.) (éd.), La route du verre, ateliers de verriers ateliers de verriers primaires et secondaires du second millénaire av. J.-C. au Moyen Âge, Travaux de la Maison de l’Orient méditerranéen, 33, Lyon, 1997-2000, p. 147-170.
FOY (D.), SENNEQUIER (G.) (dir.) – A Travers le Verre, du Moyen Age à la Renaissance, Catalogue d’exposition du Musée des Antiquités de Seine-Maritime, Rouen, 18 octobre 1989 – 28 février 1990, Rouen, Musées et Monuments départementaux de la Seine maritime, 1989, 454 p.
FUMANAL PAGÈS (M.À.) – « El transvasament de coneixement nord-sud : vidriers del Rosselló, Llenguadoc i Provença al sud dels Pirineus durant la primera meitat del segle XIV », In : Études Roussillonnaises, Tome XXVI, 2013-2014, p. 163-168.
LAGABRIELLE (S.) (dir.) – Le verre, un Moyen Âge inventif, Paris, Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 2017, 240 p.
MACH (J.) – « Sur la table ou dans l’église, le verre dans les villes roussillonnaises de la fin du XIIIe siècle au XVIIe siècle », In : CATAFAU (A.), PASSARRIUS (O.) (dir.), Un Palais dans la Ville. Perpignan des rois de Majorque, Perpignan, Trabucaire, 2014, vol. 2, p. 345-386.
MACH (J.) – « L’artisanat verrier roussillonnais et ses indices déterminants (v. 1350 – 1700) », In : Archéo 66, Bulletin de l’AAPO, n° 33, 2018, p. 100-114.
PACTAT (I.), MUNIER (C.) (dir.) – Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale, Actes du VIIIe colloque international de l’Association Française pour l’Archéologie du Verre, Besançon, 5-7 décembre 2016, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2020, 348 p.
PHILIPPE (M.) – Naissance de la verrerie moderne, XIIe-XVIe siècles : aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, 462 p.
VERNA (C.) – L’industrie au village. Essai de micro-histoire (Catalogne, Vallespir, XIVe et XVe siècles), Paris, Les Belles Lettres, 2017, 552 p.
- COMMANDRE Isabelle, MARTIN Franck et alii, "Entre tradition et modernité : l'atelier verrier des Salines au cœur des hautes Corbières (Aude) fin XVII°- début XVIII° siècle" dans Bulletin de l'A.F.A.V., 2018, pp. 142 - 147.
- ALEXANDRE - BIDON Danièle, "Le vaisselier du vin ( XIII° - XVI° siècle). Contribution à l'histoire du goût" dans Atelier du Centre de recherches historiques, 34 p. [En ligne] 12 / 2014, URL : http://journals.openedition.org/acrh/5917.
- VALLVERDU Ernestina, "Le four à verre de Senan" dans Cultura i Paisatge, à la Ruta del Cister, n°7, 2013, pp. 30-31, phot. J.M. Rovira i Valls (traduction RB).
- MACH Jordi, "L'artisanat verrier roussillonnais et ses indices déterminants" dans Archeo 66, Bulletin de l'Association archéologique des Pyrénées-Orientales, n° 33, 2018, pp. 100-114.
- AUNAY Cécile, MACH Jordi, PACTAT Inès, Production et consommation de verre en Roussillon et dans les régions avoisinantes. Etat de la question ,2017(inédit).
- FONTAINE Denis, MACH Jordi," La verrerie du chateau de Montesquieu-des-Albères à la fin du XVII° siècle: un atelier atypique", 28èmes rencontres de l'A.F.A.V., Narbonne, 4-6 octobre 2013 dans Bulletin de l'A.F.A.V., 2014, pp. 130-135.
- FUMANAL PAGES Miquel Angel, "Le transfert de savoir Nord-Sud : verriers du Roussillon, du Languedoc et de Provence au Sud des Pyrénées au cours de la première moitié du XIVème siècle" ( traduction provisoire ), dans Etudes Roussillonnaises , t. XXVI, 2013-2014, Savoirs des campagnes, Catalogne, Languedoc, Provence (XII°-XVIII° siècles), pp. 163-168.
- MACH Jordi, "Le Mobilier en Verre" dans PASSARIUS O., Donat R., CATAFAU A. (dir.) , Vilarnau. Un village du Moyen Age en Roussillon", Editions Trabucaire, Canet, 2008, pp. 464-477, Bibliographie, pp. 489-516.
- MACH Jordi et alii, "Sur la table ou dans l'église, le verre dans les villes roussillonnaises de la fin du XIII° siècle au XVII° siècle" dans CATAFAU A., PASSARIUS O. (dir.), Un palais dans la ville, vol.2, Editions Trabucaire, Canet, 2014, pp. 345-382, Bibliographie, pp. 407-432.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
- BARRACHINA Jaime, Vidrio espanol en La Habana, s. XVI - XIX, Peralada, 2019.
- CARRERAS BARREDA Jordi, El Vidre català, Brau ediciones, 2018 .
- Van den BOSSCHE Willy, Bibliographie du Verre, 323 p., 4210 références, [En ligne] état au 15 février 2019. (cliquer sur le titre pour lecture).
- ROVIRA i VALLS Josep M., El porro, De Poblet a Nova York, Cossetania Edicions
- CULTURA i PAISATGE :
n° 6, 2011-2012 "El porro", pp. 86-87;
n° 11, 2018 "L'almorratxa de vidre", pp. 72 - 75.
Cf. édition électronique.
- CAMIADE Martine, FONTAINE Denis, Verreries, Verriers catalans, Sources, 2006.
- Les paroisses des Albères au XVIII° siècle sur la frontière ( © ADPO )