Depuis 2016, les RENCONTRES VERRIERES TRANSFRONTALIERES DES ALBERES, organisées annuellement par l'association en collaboration avec le musée du verre au château de Peralada (Figueras) et avec le soutien du Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales, sont l'occasion de faire connaître les acquis scientifiques fournis par les fouilles archéologiques, la recherche historique et l'étude de diverses collections de verre dont celle de Peralada est une des plus importantes en Europe.
Nous présentons ci-dessous les contenus de ces communications groupés de manière thématique, à travers des textes inédits, des résumés et notes, quant aux textes publiés ailleurs, ils sont reproduits in extenso dans la rubrique Documentation, Etudes :
- LE PORRO :
LE VERRE A PIED, LE VERRE A JAMBE
( Rencontres Verrières 2022 )
Clicquer sur le titre pour afficher le texte et les illustrations de la communication
LE PORRO
(Rencontres 2017-2019)
ETUDES et MONOGRAPHIES :
QUESTIONS DE TYPOLOGIES ET D'ICONOLOGIE
- D'abord, la confection de porros miniatures utilisés comme jouet pour enfant , encore vendus vers 1930 comme en témoigne la vitrine (droite, 2ème étagère) de la quincaillerie de Caudiès-de-Fenouillet (Cf. cl. Louis Maraval in J. Boyer, Musée virtuel de Caudiès, col. Tricoire) avant qu'ils ne deviennent plus tard des objets de souvenir touristiques.
- Enfin les porros de luxe, comme ceux du XVIII° siècle soufflés en Catalogne, avec panse et embouchure ornées ou en forme de tricorne (musée du vin du château de Peralada),
Quelques investigations dans les représentations du porro permettent de cerner les utilisations de l'objet et les significations que les artistes lui attribuent.
En 1906, Matisse est séduit par ce qu'il perçoit d'exotique dans le porro et l'insére dans une méditation joyeuse. Miro, en 1917, l'utilise comme support d' intentions politiques, alors que, en 1921, le jeune Dali en joue comme d'un objet à la signification cachée; vers la même période, Déodat de Séverac est pris en photo buvant à la régalade avec un porro pour illustrer ses choix régionalistes. Plus tard, J.-S. Pons dessine, vers 1956, le porro comme une interrogation formelle dans sa vision contemplative du monde.
Voir plus loin la série de notices monographiques illustrées "LE PORRO DE. . ."
Avec ces évocations rapides de la fortune du porro dans nos sociétés, nous mentionnerons son utilisation métaphorique, à l’époque de la transition démocratique en Espagne, dans un autre univers, assez inattendu. Une cigarette de cannabis maladroitement roulée a suggéré l’image du bec verseur du porro dont elle a pris le nom au point de figurer dans des films humoristiques de cette époque-là comme « el porron ». Et en 1994, dans son film « La lune et le téton », le réalisateur Bigas Luna a recours à des porros d’où jaillissent des jets de lait, porros volants dans le rêve d’un enfant en mal d’affection maternelle. Ainsi, il ne manquait plus au porro que d’entrer dans l’univers onirique pour compléter sa trajectoire historique.
convient de souligner l'extraordinaire saga familiale des ROBERT et des RIOLS
couvrant de manière ininterrompue presque un demi millenaire de tradition verrière
en MONTAGNE NOIRE.
LE PORRO DE MATISSE
_____________________________________________________________________________________
LE PORRO CHEZ PICASSO
LE PORRO DE MIRO
Joan Miro (Barcelone, 1893 - Palma de Majorque, 1983) peint en avril 1917 le "Portait de Vicens Nubiela", tableau dit "Homme à la pipe", exposé en 1918 aux Galeries Dalmau de Barcelone (n°66) et conservé au Museum Folkwang( Essen); dans cette oeuvre, un porro de type catalan occupe une position centrale qui n'est pas sans rappeler l'organisation des tableaux de Benlliure où figure un porro.
Dans une atmosphère dynamisée par les formes anguleuses issues du cubisme et par la gamme colorée empruntée au fauvisme, riche en nuances et juxtapositions, le porro constitue un contre-point de stabilité pour cette composition.
Par son statut social, le porro, ici chargé de fonctions artistiques, s'inscrit dans un système de significations esthétiques et idéologiques.
LE PORRO DE DEODAT DE SEVERAC
par Roger Barrié (2017).

L'usage du porro dans cette mise en scène régionaliste fondée sur le vin relève d'un rituel initiatique pour ce languedocien séduit par ses séjours hédonistes et ses amitiés chaleureuses en pays catalan. D'ailleurs, dans une lettre à son ami Jean Amade (Céret, 1912), il écrivait " Le Roussillon est un pays bien-aimé des dieux" et faisait allusion au port de la baratine et aux pratiques musicales catalanes dont il s'inspira. Cependant, pour sincère que soit alors la volonté de Déodat de Séverac de s'intégrer à la culture catalane par le recours symbolique au porro, la photographie crée un lieu commun, le buveur de vin au porro, qui deviendra une image folklorique très banale.
Cf. PEUS Michel, "Déodat de Séverac, sa vie, son œuvre et son influence méridionale" dans Massana, t. IV, n° 3, 1972, pp. 4-96.
LE PORRO CHEZ SALVADOR DALI
Cette symbolique devient plus évidente dans la peinture dite "El berenar sur l'herbe", Le goûter sur l'herbe (P 442) qui est en référence au fameux "Déjeuner sur l'herbe" d'Edouard Manet (1863). Le thème de Manet est ici délibérément et librement interprété comme une vision bachique : course sous les arbres, exercices physiques et musique; au premier plan, une femme nue est allongée devant une nappe blanche sur laquelle sont placés un porro de vin rouge et deux fruits ronds dans une position évidente en face des cuisses entrouvertes.
Le porro ne semble pas avoir été repris par la suite dans l'oeuvre de Dali; mais en 1921 cet objet étrange et fortement marqué par son usage local devient une sorte d'outil symbolique pour traduire la virilité conquérante face à la tendresse féminine, amoureuse pour les jeunes filles, et maternelle pour la gitane; cette utilisation s'accompagne d'un trouble érotisme issu d'une sexualité imaginée, celle des gitans, ou rêvée, celle de la bacchanale. Il n'en reste pas moins que le lyrisme et la vigueur des attitudes sont superbement exprimés par le recours au style franchement coloré du fauvisme. Tandis que Dali n'avait cessé d'exploiter les ressources picturales de l'impressionnisme, il semble qu'il vient alors de découvrir l'esthétique du fauvisme, peut-être à travers les oeuvres de Matisse (Collioure, 1904-1914); il s'en inspire pour exprimer ses choix, ses préoccupations, ses pulsions. Il écrit en 1920 à son oncle "La couleur et le sentiment, voilà vers quoi tendent mes efforts " (Cf. Cristina Jutge, El Punt, 12 septembre 2005). Plus qu'un symbole érotique, le porro aura été un sujet formel participant à un moment précis d'une grande aventure artistique.
____________________________________________________________________________
LE PORRO DE GEORGE ORWELL
par Yves Lepoittevin
avec la collaboration de Roger Barrié (2023).
Dans son livre de témoignage sur la guerre civile d'Espagne Hommage à la Catalogne, publié en 1938, George Orwell évoque ainsi sa découverte du porro (col. 10/18, p.17) :
Le journaliste britannique (1903-1950), volontaire parmi les combattants républicains, n'a pas été sensible à la découverte d'un récipient étonnant pour sa culture anglo-saxonne ; il est vrai que, pour lui, seul l'engagement politique domine l'expérience du quotidien : dans les conditions de vie misérables qu'il décrit, le porro n'a pas de signification sauf d'être bizarre, mal commode voire dégradant; c'est ce qui amène la comparaison forcée avec l'urinal de verre, objet qui deviendra dans un ouvrage plus tardif, Pourquoi j'écris (1946), le symbole de l'avilissement de l'homme dans la salle commune d'un hôpital pour pauvres. Toujours dans Hommage à la Catalogne (ibid. p.76), la tension idéologique et le primat du politique le conduisent à présenter un outil de la moisson, constitué d'éclats de silex incrustés dans des planches, le trillo, comme l'image même de l'archaïsme et du retard technologique de l'Espagne, et donc de l'asservissement des hommes dans le travail agricole. Pour pertinente que soit cette remarque dans le champs économique et social, elle n'en relève pas moins d'une vision exclusivement politique de la réalité. Ainsi le porro et le trillo sont perçus par G. Orwell plus pour les comportements sociaux qu'ils révèlent que comme des témoignages de l'identité paysanne et catalane, et ne suscitent aucun regard ethnographique, aucune analyse formelle ni aucune compréhension culturelle.
_____________________________________________________________________________________
L’écrivain J.-S. Pons (Ille-sur-Têt, 1886 – 1962) a pris le porro comme motif de quatre aquarelles dont l’une fut datée entre 1956 et 1960, par sa fille. En parallèle à son activité littéraire, Pons a pratiqué la technique de l’aquarelle régulièrement mais sans aucun projet d’exposition, tel un exercice intime recourant à un mode d’expression artistique autre que l’écriture. Cette activité inédite a produit de nombreux carnets qui, à sa mort, furent dépeçés selon des critères personnels : plusieurs centaines de feuillets détachés constituent alors des collections réparties à ce jour entre les héritiers.
LES "PORRONS" DANS LES APOTHICAIRERIES DE PERPIGNAN AU XVII° SIECLE
COMMENT FABRIQUE-T-ON UN PORRO ?
Carafe avec poche à glace
Plusieurs verriers expérimentés peuvent tirer simultanément plusieurs cornes pour confectionner un vase à parfum, l'almoratxa
TERRITOIRES VERRIERS, PRODUCTIONS VERRIERES
Pour introduire la question, voir dans la rubrique Documentation, Etudes,
Production et consommantion de verre en Roussillon et dans les régions avoisinnantes,
LE VERRE : LES HOMMES, LA TECHNIQUE, LES OBJETS ET L'IMAGINAIRE
Deux caractéristiques concernent les hommes qui travaillent dans les métiers du verre. D'abord la spécialisation fonctionnelle des diverses activités et même au sein de chaque métier. Le verrier avec ses divers aides et compagnons, praticiens de la fusion du verre, mais aussi les vitraillistes, véritables artistes peintres; les marchands de matériaux primaires ou secondaires; les commerçants de produits finis diffusés en diverses boutiques ou par exportation. Denis Fontaine les a rencontrés dans les textes d'archives dès le Moyen Age. L'autre caractéristique est la circulation des artistes et artisans dans l'Europe médiévale qui véhiculent ainsi les savoir-faire et des formes : un verrier d'Arras en Catalogne, les échanges entre celle-ci et le Languedoc ou la Provence, les italiens de Venise ou de Ligurie partout, jusqu'en Bretagne au XVII° siècle; cette circulation constante des artistes et artisans affecte d'ailleurs tous les métiers d'art tel un échange vivifiant et productif mais qui rend difficile parfois l'identification précise d'une production localisée comme le montre Miquel Angel Capella pour les Baléares.
Cette question se décline en trois points précis :
- les lieux du travail, les verreries sur le territoire dépendent de plusieurs facteurs matériels dont le plus récurrent est la fourniture de bois même si on rencontre dès le XIV° siècle des verreries en milieu suburbain; en fait, on constate comme cela a été montré (Cf. M. Camiade et D. Fontaine, "Verreries, verriers catalans", 2006) un véritable maillage du territoire; ce phénomène n'est pas rare avant l'ère industrielle, comme par exemple pour les moulins; ce qui est nouveau c'est de découvrir que cette activité, que l'on croyait anecdotique, concerne à date ancienne tout l'espace transfrontalier des Albères.
- la fusion et le soufflage relèvent de savoirs techniques complexes et évolutifs comme l'indique l'apport de la salicorne pour améliorer la fusibilité de la matière; l'approche archéologique révèle les fours encore en place sur ce territoire et leurs fonctionnements techniques illustrés par l'exposé précis de Jordi Mach .
- enfin les outils de ce travail : cannes, pontils, ciseaux perceptibles dans les déchets d'ateliers et surtout abondantes traces archéologiques de creusets et de briques vitrifiés par la chaleur du four.
Le soufflage du verre creux (par opposition au vitrail qui est fait de verre plat) selon des modèles référents, traditionnels ou nouveaux, aboutit à des formes artistiques souvent très spécifiques d'un ensemble territorial comme en présente avec abondance le musée de Peralada, par exemple les cruches de mariage ou les extraordinaires almoratxas (vase à parfum) des XVII et XVIII° siècles.
On peut constater, ici comme ailleurs dans la production artistique, la permanence et l'évolution des formes même dans la longue durée : la lampe de sanctuaire du XV° siècle trouvée dans les fouilles du couvent des Dominicains à Perpignan est inspirée des lampes de mosquée fabriquées dès le X° siècle, elles-mêmes procédant de la lampe domestique de l'Antiquité. A chaque fois l'objet en verre, quotidien ou exceptionnel, renvoie, par sa forme et son usage, à une société et à ses choix esthétiques comme l'explique Ignasi Domenech à partir du matériel riche et homogène issu des fouilles du Born à Barcelone.
Cette poétique est fondée sur le merveilleux de la lumière qui peut être considérée de deux manières : la lumière naturelle, statique, celle qu'on voit traversant le verre et illuminant le vitrail; mais surtout la lumière provenant du feu telle que la produit la fusion, et qui, en dynamisant la matière, réveille la chimie des couleurs. C'est cette poétique là qui est source de fascination dans le travail du verrier. Pour évoquer des forces telluriques, Arthur Rimbaud ("Le Bateau ivre") recourt à cette poétique de la fusion et des
couleurs :
La circulation des sèves inouies
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs".
_________________________________________________________________________
L'ACTIVITE VERRIERE EN ROUSSILLON A TRAVERS LES SOURCES ARCHIVISTIQUES DE 1261 à 1700
DONNEES ARCHEOLOGIQUES SUR LE VERRE CREUX EN ROUSSILLON ( XII° - XVII° ).
LE COMMERCE DU VERRE DANS L'ANTIQUITE AU REGARD DES DECOUVERTES DE PORT-VENDRES
par Danièle Foy
_________________________________________________________________________
LE VERRE A LA TABLE DU CASTRUM - CHATEAU ROYAL DE COLLIOURE (V° - XVI° siècles)
Avec la collaboration d'Olivier Passarrius et Jérôme Bénézet